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Lacasse du siècle #7 : Bambins et bamboche, mode d’emploi

Aimer à la fois ses enfants et les levures indigènes, c’est le pari fou que relèvent tous les jours des millions de parents. Qui sont-ils ? Comment font-ils ? Marie-Eve, experte dans les deux, nous livre leurs précieux secrets.

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Affaire de la caricature sexiste : « J’aimerais qu’on laisse mon corps de femme tranquille »

Il y a deux mondes. Et ils étaient très visibles ce mardi 4 mai, à la 17e chambre du Tribunal de Paris, où sont traitées les affaires de la presse. À droite, Thierry Desseauve, 63 ans, directeur de la rédaction d’En Magnum, est assis derrière son conseil, Maître Christophe Bigot. Derrière eux se tient Régis Franc, l’auteur de la caricature, ainsi que quelques soutiens, uniquement masculins. À gauche, Fleur Godart, 35 ans, est entourée de ses amies et collègues ainsi que de Maître Eric Morain, qui l’assiste. 

Sans notes, les mains dans le dos, Thierry Desseauve s’avance à la barre  : « C’est la première fois en trente ans d’exercice de ce métier que je suis convoqué dans une audience de ce type. C’est extrêmement douloureux d’être identifié comme un représentant du sexisme et du machisme de cette profession. » D’après lui, ce dessin ne « dépasse pas les limites de la caricature classique ». 

La caricature mise en cause

Des ennemis de classe ? 

Fleur Godart tremble imperceptiblement. Avant le procès, elle arpentait les couloirs, son texte à la main. La parole, ici, est la seule arme. Et dans ce théâtre qu’est la justice, avec les effets de manche de ses acteurs, tout peut se jouer dans la force d’une intonation ou d’une virgule bien placée. Elle attend d’être appelée tandis que Thierry Desseauve poursuit : « On est devenus, pour un certain monde des vins nature, des ennemis de classe. Les gens qui nous attaquent pour ce dessin travaillent tous dans le monde des vins nature, comme Maître Morain et son éditeur, qui a écrit à une dizaine de nos annonceurs. (Ndlr : Thierry Desseauve fait ici référence à Antonin Iommi-Amunategui, également rédacteur en chef de ce site. Il sera régulièrement évoqué au cours du procès.) Cette affaire leur permet de se payer une institution. » Il affirme ensuite ne pas connaître Fleur Godart ainsi que « très peu d’agents en vin ». 

Fleur Godart relisant son texte avant le procès. Tribunal de Paris, 4 mai 2021.

Meilleure sommelière et « biocons »

Dans sa robe à trente-trois boutons, Maître Morain interpelle Thierry Desseauve  : « Savez-vous quand a été récompensée pour la première fois la meilleure sommelière de France ? » Thierry Desseauve l’ignore. « C’était en 2020 », répond l’avocat. Il lui demande ensuite de décrire le dessin. La publicité « Myriam », où une femme montrait d’abord le haut puis le bas, est aussitôt évoquée. Elle date de 1981.

Comme on en est aux bons vieux souvenirs, Me Morain demande alors à Thierry Desseauve s’il se rappelle de l’expression « biocon », formulée par Michel Bettane dans un article de 2007 où il exprimait sa position très réservée, et c’est un euphémisme, sur les vins naturels. Pas étonné d’être interrogé à ce sujet, il explique ce qu’a voulu dire « son maître » (sic) : « On percevait les vins nature comme un recul. Dans les bistrots, les chefs avaient une posture de rebelle, donc les vins devaient être rebelles. » 

« Défonçons-lui le Covid » 

Il est près de dix-huit heures, soit plus de quatre heures après le début supposé du procès, quand Thierry Desseauve est prié de fournir une explication sur la formule « Défonçons-lui le Covid ». « Il y a beaucoup de grotesque là-dedans, mais peut-être qu’il faut arrêter la caricature. Peut-être qu’on a changé d’époque », déplore-t-il, avant de faire l’éloge de Jean-François Bizot et de la clique d’Actuel

Grotesque est également le mot qui nous vient à l’esprit lorsqu’il s’agit d’évoquer la défense de Régis Franc, dessinateur et vigneron, qui n’hésite pas à décrire son dessin comme celui « d’un pauvre homme, un caviste, intimidé devant une jolie femme. La femme est très dominante. » Sur la parenté entre « Vins et Volailles », le nom commercial de la société de Fleur Godart, et « Poulet Rautiz », il affirme que c’est une référence implicite à son propre domaine, « Chante-Cocotte » (« comme dans l’expression Chante Cocotte, tu m’intéresses, se sent-il obligé d’expliquer à la Cour, entièrement féminine). « Enfin, pourquoi “Défonçons-lui le Covid” ? Parce que dans ce dessin la femme parle avec des termes un peu machistes, et l’homme est très humilié (sic). » (Fleur Godart insistera plus tard sur le pluriel employé dans « défonçons », qui relèverait d’après elle de la rape culture ou culture du viol – un simple coup d’œil aux étiquettes de n’importe quel caviste ou au compte Instagram Paye ton pinard convaincra les plus dubitatifs). « J’ai passé 10 ans chez Elle, poursuit Régis Franc, 73 ans. Si j’avais été agressif ou méchant avec les femmes, ça se serait su. Je trouve que la jeune femme que j’ai dessinée là est plutôt solide. » Qu’elle soit obligée, en période de Covid, de se prostituer pour survivre économiquement ne semble pas émouvoir le dessinateur. 

Climat sexiste dans le milieu du vin

C’est maintenant à la partie civile de s’exprimer. Fleur Godart revient sur le climat sexiste qui règne dans le milieu du vin et évoque de nombreux exemples : l’affaire Marc Sibard, dont elle a été victime, sans oublier les remarques incessantes sur son physique ou ses compétences remises en cause parce qu’elle est une femme. « J’aimerais qu’on me laisse tranquille. Qu’on laisse mon corps de femme tranquille, qu’on cesse de dire que je suis une pute. » Elle explique sa démarche de création de cuvées féministes, où l’insulte « pute », une fois réappropriée par la victime, se retourne comme une arme vers l’agresseur qui ne peut plus l’utiliser. « On a ici des hommes qui parlent de sexisme à une femme : moi, je veux qu’on arrête de me donner des leçons. »

La cuvée « Putes Féministes » de Vins & Volailles.

L’immédiateté de l’identification à Fleur Godart dans le dessin est ensuite évoquée par Me Morain. « Même si un cercle restreint d’initiés reconnaît quelqu’un, cela suffit. » Il rappelle que la loi 1881 est claire : c’est au directeur de la publication de faire la part des choses.

Des « tétons mobilisés » 

Cette démonstration ne semble pas convaincre la Procureure, qui affirme que « les éléments de contexte ne permettent pas d’identifier de manière évidente Madame Fleur Godart ». Néanmoins, elle précise : « Est-ce une injure à caractère sexiste ? Clairement, ce dessin a un caractère sexiste. La femme utilise ses attributs féminins […] et ses tétons proéminents sont mobilisés. »

Maître Christophe Bigot, le conseil du prévenu, frétille : « On a réussi par cette campagne à faire un merveilleux coup pour vendre des vins naturels ! » Le fait que Fleur Godart ait les cheveux blonds (« aux tempes rasées », souligne-t-il) lui inspirera par ailleurs un grand moment de plaidoirie capillaire.  

Confondant ensuite « BD » et « caricature » (il est intéressant de noter que BD et B+D forment les mêmes initiales, mais  nous laisserons le lecteur seul juge de ce lapsus), Me Christophe Bigot affirme qu’il serait dans la nature même de la BD d’être sexiste. « Le sexe est une inspiration majeure de la BD. Plus de stéréotypes, plus de BD ! » Qu’en pensent Pénélope Bagieu, Mirion Malle, Catel Muller, Anna Wanda Gogusey ou encore Alison Bechdel ?

Bingo anti-féministe

Il est vingt heures quand nous nous levons. Entre le mansplaining à outrance, le « on ne peut plus rien dire », le « c’était mieux avant » et beaucoup de ouin-ouin, on a touché le fond du bingo. En sortant du Palais désert, une phrase brille au-dessus des portiques de sécurité : « Tout homme est présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable ». Mal de crâne – la journée a été longue.

Illustration issue de « Herstory, histoire(s) des féminismes » par Marie Kirschen et Anna Wanda Gogusey, éditions La Ville Brûle. Reproduit avec la permission de l’auteure.

« Une extraordinaire démonstration de paternalisme » 

Contactée le lendemain par téléphone, Fleur Godart commente brièvement : « Leur défense a été une extraordinaire démonstration de paternalisme à la Cour [entièrement féminine, pour rappel] : “Je vais vous expliquer à quel point vous êtes instrumentalisées” ! Une dernière chose : si j’avais attendu des procès en justice pour vendre du vin… » Elle ne terminera pas sa phrase – la suite le 8 juin, jour du rendu du délibéré.

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Lacasse du siècle #6 : Manger manger manger (et aussi boire un petit peu)

Pourquoi, en ces temps incertains, l’envie de MANGER est-elle si pleine, si pure, si forte ? Hypothèses choisies d’une experte du hachis parmentier.

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Lacasse du siècle #5 : La Revue des VDF

Ah, les vins de femmes ! Notre caviste-conseil, Romain, vous guide pour vous y retrouver dans cette catégorie de vins si mystérieuse, si douce, si sucrée, si… rose. C’est la Revue des Vins de Femmes, le nouvel épisode du podcast « Alcoolol » de Marie-Eve.

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Lacasse du siècle #4 : Pasteurise-moi bien fort

Quel rapport entre les vaccins, la malo, les francs-maçons et une pinte de Kro ? Aucune, sinon cette 4e chronique « alcoolol » de Marie-Ève qui s’est bien tiré une balle dans le pied en salle de rédaction le jour où elle a dit qu’elle « ferait des jokes sur Pasteur ». C’est fait.

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Lacasse du siècle #3 : Mignonne, allons voir si la couperose

Aujourd’hui, Marie-Ève nous parle de sa couperose Pantone Fiesta 17-1564, d’épisiotomie et de capitalisme. Vous pensez qu’il n’y a aucun rapport ? « Lacasse du siècle n°3 » vous prouve le contraire. Allez, on tape dans ses mains, et pas sur son voisin !

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Lacasse du siècle #2 : L’Odyssée de Pénélope

Second épisode de la chronique (alcoo)lol de Marie-Ève : L’Odyssée du point de vue de Pénélope résumée en deux coups de cuiller à pot. Attention, ça défrise (sa toile). 

La chronique alcoolol de Marie-Ève
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Vin naturel : à l’école du trouble

Il n’y a pas d’école de formation aux vins nature. Voici pourquoi. 

Aristote, premier hipster de l’Antiquité. Ici dégustant un verre d’Échalier (circa -332 av.n.è.)

Il n’y a pas de formation pour devenir écrivain. Cela ne s’apprend pas. C’est une situation. C’est une nécessité métaphysique ou ça ne l’est pas. Il n’y a pas de chemin. C’est pire que tout. Écrire c’est vouloir être seul·e pour arrêter la solitude. Ça ne marche pas. Ça rend constamment malheureux, surtout les jours sans. Les jours sans écriture sont des jours vides. Il y en a beaucoup. Les jours où l’on n’écrit pas, c’est le drame. Il y a la colère. L’envie de détruire tout ce qu’on a. Tout ça ne s’apprend nulle part. Il faut naître avec, il faut vivre avec. C’est une humiliation quotidienne. Le sentiment de sa propre médiocrité vous réveille la nuit. Ce n’est pas agréable, ce n’est pas gentil. Écrire n’a aucun sens pour l’ordre du monde. C’est la métrique de Duras, celle qui reste plantée au fond du cœur : « Écrire. Je ne peux pas. Personne ne peut. Il faut le dire : on ne peut pas. Et on écrit. » Aussi, c’est une maladie. Comme l’alcool. D’ailleurs, Duras avait les deux. L’écriture, et l’alcool. Et elle a écrit sur les deux. Les trois grandes écrivaines du XXe siècle français adoraient l’alcool. Colette, avec gourmandise ; Sagan, avec mélancolie ; Duras, avec génie. Il y a un lien entre l’alcool et l’écriture, un lien assez net. L’alcool est l’un de seuls psychotropes assez puissant pour entraîner la totalité de l’être dans les mêmes débordements que l’écriture.  

On n’apprend pas à désapprendre

S’il n’y a pas de formation pour devenir écrivain, il n’y a pas non plus de formation pour aimer les vins nature. On n’apprend pas à désapprendre. C’est l’équation impossible. On ne peut pas dire à quelqu’un : sois libre. Les formations à la dégustation fonctionnent comme des ateliers de « Creative Writing ». Comme le soulevait Mademoiselle Jaja dans son dernier article sur Ni Bu Ni Connu, elles permettent de franchir les étapes, celles des errances, des échecs ; elles permettent de gagner du temps, parfois de manière conséquente, des décennies d’hésitations. Elles vous rendent légitime, vous donnent un diplôme, un statut, des connaissances, mais aussi des « formules » et aussi des contacts, des passe-droits – et pourtant, elles n’apprennent rien. Apprendre les vins nature est une aporie. C’est pour cela qu’il n’existe aucune formation spécifique pour ces vins. C’est une contradiction. Cela ne peut pas se faire. 

On ne peut enseigner l’errance, la liberté, le temps qui passe. C’est quelque chose qui s’acquiert en vagabondant. Cela n’a aucun prix, ou alors il faudrait donner un prix à la vie même. Le nez qui s’est trompé possède une archive d’odeurs bien plus vaste que toutes les formations qui sont pressées d’associer des goûts et des odeurs au monde du connu. Prenons « Le Nez de Lenoir », ce coffret très cher, très chic, rempli de petites fioles aux liquides ambrés censés former les amateurs. C’est une bonbonnière. Une maison européenne du « connu ». Pomme, melon, litchi, champignon, poire, cuir, musc, safran, poivre, truffe, cannelle, citron, caramel, chocolat, ananas, banane. C’est un garde-manger, une épicerie. Cette même épicerie où se trouvent des vins de supermarché, entre le rayon shampoings et le rayon surgelés. C’est pratique. C’est rassurant. Ça fait « pro » de dire qu’un vin a des notes d’amande et de miel d’acacia. C’est appétissant, un vin qui sent la groseille et la cerise. Tous les vins du sud ont de la groseille et de la cerise. 

Le vin nature, c’est de la littérature

Là où le bât blesse, c’est lorsqu’il s’agit de décrire un vin nature. Ces vins contiennent des souvenirs qui n’entrent pas dans le panthéon de la rétro-olfaction. Il y a du gravier.  De la rosée. Des dentelles un peu moisies. Une brassée de fleurs de lavande, au fond de la commode. De la craie sur l’ardoise. Du sable mouillé. Des vers de terre au printemps. Il y a des murs d’église. Le métal des encensoirs. L’eau croupie du vase. Le sang sur le papier du boucher. Le chaud du métro ou de la photocopieuse. L’odeur indescriptible d’une voiture, l’été. Ou celle de la peau du matin, pas celle du soir. Rappelez-vous : la rouille sur les grilles du parc. Mais aussi la semoule crue, la mousson, la neige sur les moufles. Ce sont des odeurs complexes, pleines d’images. Ça ne se trouve pas dans les formations professionnelles. C’est de la littérature, une perception intime du sensible qui doit franchir les étapes du temps. C’est ma seule consolation, face à l’écriture. Les années « sans », les jours « sans » enrichissent le livre d’images. La frustration et la peine en font partie. 

Aristote buvait (sûrement) du pét’ nat’

Je ne sais pas si une école des vins nature est souhaitable, je ne sais pas si elle peut avoir lieu. Mais si un tel lieu existait, je voudrais qu’elle soit en forêt, sans murs, sans toit. Que les sens soient constamment chahutés par les éléments. Que le corps sorte de son atrophie de confort. Les cours seraient donnés en marchant, comme l’école péripatéticienne d’Aristote. On y apprendrait à lire. Beaucoup de poésie, beaucoup de théâtre, beaucoup de littérature et de philosophie. Il y aurait des gens de tous les âges qui viendraient avec leur biographie olfactive. Ce serait une école de la dégustation par la langue, l’autre langue.  

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Lacasse du siècle #1 : Wet January

« Comment j’ai raté mon Dry January » : le premier épisode de la série AlcooLOL de Marie-Ève, entre ivresse de vivre et gueule de bois. Et ce sera un vendredi sur deux sur NWII. Tchin tchin !

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Critiques de vin et autres pros : sommes-nous tous des alcoolos ?

La plupart des textes qui concernent le vin m’ennuient. Les fiches de dégustation me font bailler. J’aime ce que le vin draine comme autres sujets ; quand il est le point de départ d’une discussion plus vaste. « Pourquoi le vin est-il intimidant » est un vrai prétexte pour parler de sociologie. « Être sommelière et Noire » est une question politique. « Pourquoi les femmes dans le vin sont encore marginalisées » reste une obsession philosophique. La liste est longue.